Samia Ouzgane Chargée de projets au sein du programme
international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) qui relève de
l’organisation internationale du travail (OIT), répond aux 10
questions sur le travail des enfants au Maroc.<
Vous travaillez pour un organisme de lutte contre le
« travail des enfants » ? C’est quoi le travail des
enfants ?
Le
travail des enfants est toute forme d’activité économique exercée par l’enfant
qui risque de nuire à sa santé physique, morale, psychologique ou à sa
scolarisation normale.
Est-il répandu au Maroc ?
Le
phénomène du travail des enfants est répandu au Maroc. Nous pouvons voir
partout les enfants travailler en agriculture, en artisanat, en travail
domestique, … les statistiques émanant du Haut Commissariat au Plan donnent
qu’ils étaient environ 350 000 enfants qui travaillaient en 2004 et qui ont
moins de 15 ans.
Pourquoi il faut lutter contre le travail d’enfant ?
Pourra-t-il être considéré comme un fléau ?
Le
travail nuit à la santé de l’enfant, aussi bien physique que morale. Comme en
plus, il a des répercussions négatives sur sa scolarité car presque la grande
majorité des enfants qui travaillent ne vont pas à l’école, ce qui se répercute
négativement sur leur chance de s’en sortir à l’avenir.
Quels sont les exemples de « travail d’enfant » au
Maroc ?
Les
statistiques du l’enquête nationale sur l’emploi réalisé en 2000 qui a estimé
le nombre d’enfant au travail à environ 600 000 enfants a donné la répartition
suivante des secteurs d’activités des enfants. Ainsi, ils sont 84 %
employés en agriculture, 6 % en textile, 4% en commerce, 2 % en
travail domestique, 1% en réparation et 3% autres. Comme on le voit, la plus
grande part des enfants qui travaillent sont employés en agriculture. Les
enfants sont également employés en artisanat, garage, mécanique, en tant que
petites bonnes, …
Comment expliquez vous les raisons que les lesquelles les
parents laissent leurs enfants travailler ?
C’est
vrai que la principale raison évoquée est la pauvreté. C’est pourquoi, il faut
sensibiliser les parents sur le fait de faire travailler leurs enfants et de ne
pas les scolariser ne fait que les condamner également à une pauvreté dans le
futur.
Quelles sont les mesures légales au Maroc pour protéger les
enfants contre l’exploitation économique ?
Les
principales mesures légales sont :
- la loi sur l’obligation de l’enseignement fondamental
qui est obligatoire jusqu’à 15 ans.
- le code du travail qui fixe l’âge d’admission au
travail à 15 ans révolus
- le code du travail qui interdit le travail dangereux et
donne une liste de travaux interdits aux enfants.
- Quel est l’âge minimum d’admission à
l’emploi ? 15 ans révolus
- Existe-il une réglementation appropriée des
horaires de travail et des conditions d’emploi ? Le code du
travail fixe ces conditions de travail.
- Prévoit-on des peines ou autres sanctions
appropriées contre l’exploitation des enfants au travail ? Le code du travail prévoit des
sanctions pour le non respect de l’âge minimum d’admission au travail. Il
s’agit d’amende de 25 000 à 30 000 dh. En cas de récidive du non respect
de cet âge minimum, la pénalité est doublée et peut être associée à une
peine d’emprisonnement pour une période variant entre 6 jours et 3 mois.
- Est-ce qu’il y a d’autre mesures à prendre pour
lutter contre le travail des enfants ? En plus de la législation, il
faut donner de l’importance à la prévention du travail des enfants en
luttant surtout contre la pauvreté et la précarité. Il faut également
donner beaucoup d’importance à la lutte contre l’abandon scolaire qui est
une des principales causes du travail des enfants. Il faut aussi
travailler sur la sensibilisation et viser un changement de mentalités vis
à vis de ce problème.
Quelle est la différence entre le « travail des
enfants » et « l’emploi des jeunes » ?
Le
travail des enfants est à bannir pour les moins de 15 ans révolus et à
interdire pour moins de 18 ans quand il s’agit d’une des pires formes de travail
des enfants dont les travaux dangereux. Quant à l’emploi des jeunes, quand ils
ont l’âge de travailler, il serait intéressant de les encourager toujours à
travailler dans des conditions décentes et de chercher toujours à évoluer par
des formations continues.
On entend parler d’histoires d’enfants ruraux qui quittent leur
village pour aller travailler dans une grande ville ou à l’étranger. Comment
peut-on faire la différence entre un emploi légal et décent et
l’exploitation ?
C’est
d’abord en fonction de leur âge, car si ce travail nuit à leur santé et à leur
scolarité normale, c’est de l’exploitation qu’il faut interdire.
Si on rencontre un enfant travailleur, qu’est ce qu’on doit
faire ? Quelles sont les solutions à proposer ?
Nous
devons le sensibiliser sur le fait que ce travail est mauvais pour sa santé et
pour son avenir et que même s’il gagne de l’argent maintenant, après, sans
études, il ne pourra pas espérer sortir de sa pauvreté. La meilleure
alternative ou solution reste l’école. Il faut donc voir son âge et s’il a déjà
été à l’école ou pas. S’il a par exemple 12 ans, il peut être encore réinséré à
l’école ; il faudrait donc voir si dans son quartier il y a des
associations qui assurent de l’éducation non formelle. Ces cours lui
permettront une mise à niveau qui lui permettra de revenir à l’école. Si
l’enfant a plus de 15 ans, il y a la possibilité de bénéficier de cours
d’éducation non formelle et d’être orienté ensuite vers une formation
professionnelle. Il y a beaucoup d’associations qui s’occupent de cela comme il
y a la Direction
de l’Education non Formelle qui relève du Ministère de l’Education Nationale
qui supervise tout cela.
« Contribuer à l’abolition du travail des enfants »
tel est le programme que développe IPEC/Maroc. Pouvez-vous nous en dire plus
sur les actions que mène votre organisation ?
Notre
mission est de réaliser, avec des partenaires locaux, des programmes d’action
pilotes et de prouver que des actions de lutte contre le travail des enfants
peuvent réussir. Ainsi, le Gouvernement marocains pourrait les reconduire pour
éradiquer ce fléau. Notre mission consiste aussi à lancer des campagnes de
communication visant le changement de comportement et de mentalités.